Alors j’me suis dit : « Comme d’ici là, tu vas pas trop bouger, de quoi-t-est-ce-que tu pourrais leur parler maintenant ??? » Après les bigorneaux, les tomates et le couple d’hippopotames Portugais, sans oublier les vins et spiritueux, j’ai dit : et si je leur racontais Sénèque ? Sénèque !! Mais si ! Le philosophe ! Allons ! Voyons ! Vous voyez pas ? Oh ben il était tant que j’arrive !
Alors moi, la philo… J’étais pas doué. Faut dire que j’ai fait que communale comme école. Jusque au bout, certes, mais que communale ! J’étais dans les meilleurs en récré et en coursage de fille et aussi très fort en engueulades paternelles lors de remise du carnet de note. Faut dire aussi que les deux dernières années de rêveries scolaires, je les passées dans un bled de Normandie complètement paumé. 314 habitants qui z’étaient, et deux douzaines d’ânes gris, et des fois entre bourricots, t’avais du mal à discerner l’humain de l’équidé ! On était en 1964, mais à la Madeleine Bouvet (nom du patelin), on sortait à peine du moyen âge, et encore, du côté rural !
Bon, alors la philo. J’m’y suis mis sur le tard. C’est mon ami Jean Michel (marchand de bateaux, passionné de voitures anciennes), qui m’a ouvert la porte des penseurs antiques.
Désireux de redonner un coup de fouet au moral de son équipe, il avait fait faire des chemisettes aux couleurs de sa boite, sur lesquelles on pouvait lire cette phrase sublime :
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles qu’on n’ose pas, c’est parce qu’on n’ose pas, qu’elles sont difficiles ! »
Et ça tu vois, c’est du Sénèque ! C’est pas beau ? Comme j’ai passé la plus grande partie de mon existence à oser, tu parles comme cette phrase m’a plu ! Du coup, j’me suis dit que ce Sénèque, fallait que je le connaisse mieux. Et pis comme j’aime partager ben j’vais vous en raconter un p’tit bout. J’espère que ça vous donnera envie.
Jésus allait déjà à l’école sans couches culottes, (il avait 4 ans), à la naissance de Sénèque. Les parents ont des sous. Issus de colons Romains, ils agricolent en Espagne, à Cordoue, où naîtra le p’tit. Le père, surnommé « le rhéteur » est loin d’être une bille. Il écrit lui aussi. Comme il est plein aux as, ça lui pose pas de problème pour emmener le gamin jusque à Rome. Là, à l’âge des poussées d’acné, le môme apprend le Grec, la rhétorique oratoire, la philo, et prend des leçons avec des types dont j’ai oublié les noms, mais ça se termine souvent en ‘us’ comme Fabius mais en moins arrivistes.
C’était pas un fainéant le Sénèque ! Faut dire qu’il aimait ça et qu’il était doué. Doué ; pour les études ! Parce qu’en sport, c’était pas ça. Petit, malingre, chétif il aurait pu faire les J.O. mais seulement comme chronométreur… Et encore ! A 20 ans, comme ça va pas très fort, il part chez sa tata d’Egypte pour se refaire les globules rouges. A 26 ans, voyant que ça s’améliore pas plus que ça, y s’dit que tous comptes faits le climat post-pharaonique, ben ça lui convient pas non plus. Il rentre à Rome, ouvre, sans doute avec les sous de papa, une école de philo, et baratineur comme il est, il devient avocat pour faire plaisir à papa. Comme y cause bien et qu’il est très charmeur, il est tous les soirs en ribouldingue chez les puissants de Rome. En plus il est bourré d’oseille. Caligula pensera même à le faire descendre à cause qu’il était jaloux de lui. Quand Claude devient empereur il le nomme questeur. Mais là aussi ça se gâte. Messaline peut plus l’encadrer. Elle le fait virer en Corse sous prétexte qu’il aurait adultéré avec la sœur d’Agrippine. Ah ben tè ! Parlons- en d’Agrippine ! Elle va, si j’ose dire, lui mettre le grappin dessus. Après être devenu la deuxième épouse de Claude, elle va lui refiler l’éducation de son abominable rejeton : Néron. Sénèque a 50 ans quand il devient 1er ministre de Néron empereur à 17 ans. Ca va aller à peu près pendant 5 ans. Lui et son copain Burrus, dirige l’empire pendant que Néron se vautre dans le stupre et la luxure ! Bon, d’accord, Néron le débauché, donne à cette époque-là, plein de sous à Sénèque qui n’en a pas besoin puisqu’il ne mange pas de viande et ne boit même pas de pinard !! Mais il sera l’homme le plus riche de Rome ! Par contre il n’aime pas faire la nouba. Après avoir un tantinet assassiné Britannicus le fils légitime de Claude, Néron se fâche avec un peu tout le monde, et Sénèque, ça lui pique les yeux. Le Néron vire violent comme son pépé Caligula. Il descend maman Agrippine. En 62 y a comme du mou entre Sénèque et Néron. Sénèque veut lâcher la barre et prendre sa retraite, faut dire aussi que son pote Burrus est mort curieusement ! Mais le malfaisant veut pas ! C’est là que Sénèque va laisser tomber le boulot tout doucement. Petit à petit. Quand Néron s’en aperçoit, Il pète les plombs et assassine à tour de bras et l’empire part en sucette ! Méchant comme tout, parce qu’il a un mauvais fond, il va en arriver à demander le suicide de Sénèque. Celui-ci a 61 ans. Une cohorte de l’empire va chez Sénèque et lui demande de se suicider sur ordre de Néron. Sénèque stoïque, s’ouvre les veines des bras et des jambes et pour faire bonne mesure se tape un p’tit coup de ciguë il met longtemps à mourir et il en profitera pour écrire un long discours.
Voilà, c’est un résumé de la vie et de la mort de Sénèque. J’espère que ça vous a plu et donné envie de vous mettre à la philosophie !!! Moi, j’me régale !
Je vais continuer à potasser et qui sait je vous raconterai, peut-être, d’autres belles histoires comme celle-là.
Allez ! Je suis sûr que ça vous a fait envie ! Amitiés,
Christian à bord de Swadoune.
Je sais ça n'a pas grand chose à voir avec le bateau, mais si ça peut vous amuser...