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- Ginette !!!
- Mrrrgrm ??
- Ginette !! Tu dors ??
- Mais ça va pas ? t’as vu l’heure ? Faut que tu descendes à la charcuterie dans 2 plombes !!
- Ben justement, c’est fini tout ça ! T’as vu Pernoud hier soir à la télé ?, ce couple qui fait le tour du monde en voilier, les eaux turquoises, le ciel bleu, vivre à poil toute l’année et tout et tout ??? Ben tu vois, moi la charcuterie, les clients, la Corrèze, j’en ai ras les paupiettes !!! Aussi on fourgue le magasin, on descend dans le midi, on achète un 15 mètres, et à nous la belle vie !
Les charcuteries à Tulle (ou ce n’est pas l’andouille qui manque) ça se vend bien.
Deux mois après, on retrouve les Dutripou face à un 50 pieds flambant l’occasion et ma foi en bon état.
Il fait un temps superbe ce jour- là à port Camargue. Pas de mistral ni même un vieux restant de marin, la Méditerranée est d’olive !! L’essai en mer est concluant et malgré quelques petits rototos de Ginette, Marcel signe des deux mains. L’affaire est dans le sac ; (à vomi ??).
Le week-end Pâques à Port Camargue, le ponton souffre sous l’arrivée des Dutripou, de leurs amis les bouchers de la rue Carnot, et de zezette et pépette, deux magnifiques doberman de 80 kilos chacun, que Ginette n’a pu se résoudre à laisser à la maison.
Marcel n’a pas pu résister à la casquette de capitaine. Le pantalon est blanc, les chaussettes et les mocassins à pompon, aussi. Le blazer bleu marine arbore sur la poitrine d’invraisemblables armoiries d’un quelconque royaume et le foulard est en soie jaune. Le tout moule exagérément les 130 kilo du mètre 70 de l’ancien charcutier.
Le volume de Ginette est un poil moins important, cela ne se voit pas car il lui manque 20 cm. Si le bas est strictement identique à celui de son charcutier de mari, le blazer est jaune canari et le foulard est rouge ce qui lui confère une lointaine ressemblance avec un oiseau tropical.
La parure en moins, coté déplacement les bouchers ne font pas pitié non plus.
- Viens voir Lucien, je t’fait visiter l’ navire. Attention à l’escalier, il est raide. Par contre c’est haut de plafond. A droite et à gauche, deux chambres, je sais les fenêtres sont un peu petites mais c’est assez clair tout de même. Ah ouais, les lits sont plus petits qu’à la maison mais Ginette et moi c’est toujours le grand amour. On laissera la chambre de droite pour les chiens, et la gauche c’est pour les amis, nous on dors dans celle de devant parce qu’elle donne sur la salle de bains et qu’elle a des wc pour elle toute seule. Quand je pense qu’à Tulle fallait aller au bout du couloir. Là au moins tu peux continuer à discuter avec mémère pendant la chose !
- Hein ? Quoi ? Beeeen non Paulette, Marcel n’a pas pris de cours…c’était trop cher penses donc…et pi il a acheté le Marabout flash « la voile en 10 leçons » pi, y a un gros moteur et dehors un grand volant…comme sur les autobus ! Ah, là c’est la salle à manger, on tient à huit. Le canapé c’est de l’imitation de faux cuir ! Ouuuui ya assez d’armoire. Quand on devient « voileux » comme ils disent, on s’aperçoit que c’est bien foutu, ya des rangements partout ! sous les fauteuils, sous les lits, dans les cabinets, partout, partout.
- On va fêter ça ! Dit Marcel. J’ai ramené du champ’. Il est au frigo. Regarde en dessous du sac à viande pour les chiens. Eh pi après, on va faire un tour de voile. Sert le champ’, je prépare le bateau.
Le voilier a été rebaptisé « zezpet ». Quelqu’un leur a dit que ça se faisait de prendre les premières syllabes du nom des enfants… et comme ils n’en ont pas…
Le départ du ponton a tiré de leur oisiveté les occupants des bateaux voisins qui gaffes et pare-battage en main tentèrent de protéger avec plus ou moins de bonheur le plus d’inox possible.
L’avant-port est franchi et la digue sud laisse apparaître un joli clapot levé par un petit sud-ouest de 5 à 10 nœuds. Marcel est à la manœuvre, Lucien tient la barre, Ginette tient les chiens, et la bouchère tient à rentrer ! La grand’voile monte avec difficulté et la bôme privée de sa balancine, cherche à cogner la première tête qui passerait à sa portée.
Le doberman, ce n’est pas le terre-neuve, c’est aussi gros mais moins marin, aussi, zezette et pépette, après avoir copieusement vomi sur les pantalons de Ginette, se sont vidées avec éclat et par les voies naturelles, sur la bouchère qui se levant d’un bon, stoppa la bôme à son retour de tribord, avec la mâchoire inférieure, l’oreille droite et une bonne partie de la joue.
C’est donc après 10 bonnes minutes passées en dehors du port, que les deux couples prirent la seule solution qui s’imposait : rentrer au ponton !!
Les écoutes de génois les drisses les caillebottis l’équipage, enfin tout ce qui se trouvait dans le cockpit baignait dans les repas bien digérés des deux molosses. Ginette et la bouchère ayant imitées les chiens, la seule chose de propre sur le bateau c’était le haut du mât.
Prévenus par le bruit que faisait la grand-voile à mi-hauteur et les hurlements hystériques de Paulette la bouchère, les voisins se ruèrent en protection. En se bouchant le nez, et le cœur au bord des lèvres, ils finirent par amarrer « zezpet » à sa place.
La séparation des deux couples laissera au camarguais un souvenir ému et impérissable.
Les mois passèrent, « zezpet » fût transformé en résidence secondaire et il ne quitta plus jamais son emplacement. Les rêves de lagons aux eaux transparentes, d’amarrages aux cocotiers, de ti-punch, tout cela s’était effondré dans un bruit de gargouille.
La solution finale, c’est Marcel qui la trouva. Un matin ou tous les voiliers sortaient pour la régate, il sécria :
- Le port ! Le port ! Toujours au port !! Si je dois rester au porc autant racheter une charcuterie !!!!
Christian à bord de Swadoune.